Let Me Try est adapté du Journal de Virginia Woolf, écrit entre 1915 et 1941.
Le destin à la fois mondain et tragique de l’écrivaine altère bien souvent la perception que l’on a de son œuvre. Derrière la bourgeoise émancipée de la haute société londonienne, derrière la malade qui se suicidera par noyade se dresse l’une des plus grandes femmes de lettres du XXe siècle. Une auteure dont la vision acérée des moeurs de son époque s’exprime dans une langue nouvelle, diffractée, capable de rendre audibles les voix intérieures, les rêveries, sans aucune mièvrerie.
Dans son journal, oeuvre drôle, débordante, surprenante, Woolf décrit sans relâche ses amis, retranscrit sur le vif des pans entiers de conversations, comme une peintre esquisserait un croquis. Elle passe d’un registre à l’autre : réflexions bouleversantes sur l’écriture, descriptions à fleur de peau de personnes, d’événements ; interrogations sur ses amitiés, ses amours, la politique, ses colères, ses peurs, ses enthousiasmes… Il y a très peu de passages sur sa « folie ». Traverser au plus profond sa propre intimité ne signifie pas s’appesantir sur ses états d’âme.
Après la poétesse russe Anna Akhmatova, Isabelle Lafon choisit de mettre en lumière une autre « insoumise ». Avec Marie Piemontese et Johanna Korthals Altes, telles des archéologues de l’âme, elles partent à la rencontre de Virginia. Évoluant au milieu de liasses de papier, elles fouillent et exhument les mots. La clarté de leur jeu, dépouillé de tout artifice, rend à Woolf un hommage d’une sincérité profonde. On la voit apparaître, magnifique de liberté et d’intelligence.