Quelque part dans l’océan Indien, une jeune femme se noie. Ses forces l’abandonnent mais sa pensée, tel un animal sur le point de mourir, se cambre : dans un ultime sursaut de vie et de révolte, la naufragée convoque, dans un monologue étourdissant, les personnages de sa courte vie… Anguille sous roche est un miracle littéraire : son auteur, Ali Zamir, jeune écrivain comorien inconnu, reçoit, pour cet ouvrage, le Prix Senghor du premier roman francophone et francophile 2016 et la Mention Spéciale du jury du Prix Wepler 2016. Roman fait d’une longue phrase, d’un souffle syncopé, il agglomère les styles pour mieux les éclater, créant une langue qui crépite, insensée, sublime et triviale. Au-delà du phénomène, le récit, les caractères, offrent un matériau riche et lumineux, un kaléidoscope d’images, de pensées, de sensations qui donnent parfois le vertige, mais qui bouleversent et attisent. Figure magnifique, Anguille ouvre les méandres de sa conscience à l’instant où elle va sombrer. Crotale, sa soeur, Connaît-tout, son père, et Vorace, son amant, surgissent à ses côtés, robustes et languissants, repeuplant la petite maison du port de pêche de l’île d’Anjouan.
Passionné par le travail d’adaptation de textes littéraires non théâtraux, Guillaume Barbot, artiste invité de Jean Bellorini pour son second mandat, s’entoure de deux musiciens, l’un violoniste, complice de longue date, et l’autre, spécialiste des percussions d’Afrique et de musique électronique, pour faire naître un univers mental sans limites, un océan. C’est Déborah Lukumuena, jeune comédienne dont le talent tout neuf lui a valu en 2017 le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour le film Divines, qui incarne la vibrante Anguille.