Les textes de Daniil Harms sont des petits trésors d’humour, vifs et cruels. Le titre du spectacle en témoigne. Pourtant, si l’on plonge dans la biographie de cet auteur, on ouvre en même temps l’une des pages les plus sombres de l’histoire du XXe siècle. Poète proche du peintre Kazimir Malevitch et cofondateur de l’Oberiou, dernière organisation littéraire de gauche en Russie soviétique avant l’avènement d’une censure totale, né en 1905 et mort de faim pendant le siège de Leningrad en 1942, Daniil Harms a connu un destin heurté, marqué par la grande confusion de son époque. Harms n’a pas eu le temps de se faire connaître avant de se voir interdire toute publication. Il n’a vu paraître de son vivant que deux courts poèmes (en 1926 et 1927). Réhabilité en URSS en 1956, il reste aujourd’hui méconnu en France, malgré une œuvre étonnante, mêlant le tragicomique à l’absurde, maniant la forme courte – poésie, théâtre et prose – dénonçant, par l’humour et le non-sens, la violence et la monstruosité de son temps.
Lors d’un stage mené il y a deux ans au TGP, les metteurs en scène Lilo Baur, Jean-Yves Ruf et Jean Bellorini avaient choisi ces écrits. Le résultat en quelques jours avait tenu de belles promesses.
De ce laboratoire est né le désir de poursuivre le travail et de s’associer. Les saynètes s’enchaînent, très physiques, rythmées, précises. On y voit des chutes, des exactions impunies, des vaudevilles tragiques. La musicalité de la langue, la truculence des personnages, les répétitions, les accélérés et les ralentis composent l’ensemble en une symphonie cruelle. Le groupe de sept comédiens – belle équipe aux caractères sensibles et rugueux – se jette à corps perdu dans ce tourbillon de mots. Poètes prêts à en découdre et à combattre l’arbitraire par le rire.