Écrire en pays dominé : c’est sous le signe de l’ouvrage de Patrick Chamoiseau que la compagnie Nova a voulu placer ses deux derniers spectacles. Après Nous sommes de ceux qui disent non à l’ombre, traversée poétique, politique et musicale des courants de la négritude et de la créolité, Et le coeur fume encore retrace les mémoires, les littératures et les silences de la guerre d’Algérie. Cette saison, le TGP présentera le premier volet du diptyque dans onze lycées d’Île-de-France et le second en ses murs.
Partant du constat que les non-dits entourant la guerre d’Algérie imprègnent encore un nombre considérable de familles en France, désireux d’aborder les questions de transmission, d’héritage, de tabous et de refoulements de ces mémoires, les membres de la compagnie ont croisé matière documentaire (témoignages recueillis au sein de leurs propres familles ou de leurs proches, archives historiques) et matière littéraire (poésie, textes dramatiques, romans).
Ce travail minutieux de collecte a été leur point de départ pour s’immerger dans l’Histoire. Passant sans cesse de l’intime au politique, du réel à la fiction, ils créent des scènes qui s’inspirent d’événements historiques, incarnent militants et travailleurs algériens, soldats français, anticolonialistes, harkis, pieds-noirs et leurs descendants. Ce faisant, ils parviennent à mêler rigueur et légèreté, fabriquant un théâtre simple, aux codes dramaturgiques clairs. Les sept acteurs passant d’un rôle à l’autre maîtrisent l’art de la rupture, entretiennent une forte complicité et défendent leurs personnages avec humanité. Surgit un théâtre vivant, nuancé, intelligent et drôle qui, en donnant la parole à ceux qui se sont tus trop longtemps, éclaire les fractures sociales et politiques de la France d’aujourd’hui.