C’est un genre rarissime au théâtre et c’est une nouvelle venue de la scène française, auteure et metteure en scène de deux premiers spectacles (La Chanson et Dans le nom), qui s’y essaie.
Une oeuvre de science-fiction : voici ce que Tiphaine Raffier propose avec France-fantôme. Dans le monde qu’elle invente, grâce à une technologie nationale, il est devenu possible de décharger ses souvenirs dans des coffres-forts numériques reposant au fond de l’océan.
Lorsque la mort advient, il suffit de les injecter dans un autre corps. On réintègre alors le monde des vivants. On appartient à la communauté des « rappelés ».
Pas d’esthétique futuriste, mais plutôt un lieu d’expérimentation philosophique. Dans cette société libérale qui ressemble fort à la nôtre, la résurrection est devenue un marché ; l’incarnation, le stade ultime, tridimensionnel, de l’image. Les effets en sont divers : les visages ne comptent plus, les écrans les brouillent. Les oeuvres d’art tombent dans l’oubli, puisque la représentation humaine est jugée indésirable. Des clivages entre les rappelés et les « originaux » se forment, car les premiers revendiquent un statut d’égalité avec les seconds.
Dans cette « France-fantôme » où le deuil est au centre de la vie, on suit le parcours d’une femme qui perd son compagnon. Son amour pour le disparu, sa douleur, contredisent tous les mécanismes palliatifs. Le système se grippe, chair contre souvenirs.
Avec neuf acteurs et musiciens au plateau, Tiphaine Raffier dévoile ce monde inquiétant pour mieux parler de la grande intimité – la mémoire et le chagrin.