Après La Fuite !, traversée hallucinée des Russes blancs jusqu’en terre d’asile, Macha Makeïeff confronte sa fantaisie, qui est vaste, à celle d’un écrivain victorien inclassable, l’énigmatique Lewis Carroll. Affabulations, murmures, ragots, persiflages autour de l’auteur d’Alice… Qui est ce fils de pasteur et clergyman lui-même, marginal et célèbre, pédagogue dépressif, polémiste, ce logicien qui écrit des contes extravagants ? Chez ce poète du nonsense, il n’est question que de décalages, de mots à l’envers et d’énigmes sans réponse… On n’aurait de véritable existence que dans le rêve. C’est qu’il y a au-dessus des têtes un surnaturel chaotique qui tient du magique – fées et fantômes, ectoplasmes, âmes capturées sur des plaques de verre, fils de Dieu mélancolique, prophètes vengeurs et autres miracles. Sans oublier les personnages étranges et loquaces, Humpty Dumpty, Chat du Cheshire, Snark, Twiddledum et Twiddeldee, Chapelier fou, Dodo… et toutes ces fantasmagories qui dansent quand on s’ennuie trop longtemps sur le banc du presbytère. Folie mécanique, inepties salutaires, jouissances de l’imagination, cela pour désarmer les puritanismes, lutter contre tout esprit de sérieux qui serait une malfaisance, une faute de goût. Comme une arme, le féerique plutôt que le réel.
La langue de Carroll, il faut la chanter, la faire entendre sous toutes ses coutures, lui qui fréquentait assidûment, malgré la condamnation de l’évêque d’Oxford, la pantomime et le théâtre.
Les acteurs de Lewis versus Alice ? Hors du temps et gothiques, extravagants. Qu’ils chantent, dansent, racontent, polémiquent ! Qu’ils aient des visions et prennent le thé au milieu de nulle part. Fantasy ! Ils font ainsi l’éloge d’une excentricité so british, libre jusqu’à l’absurde.