Par moments, il m’apparaît superflu – face à la barbarie de notre monde – de déployer toute cette énergie à fabriquer des spectacles. Et pourtant, c’est au coeur d’atrocités telles que celles que nous avons pu vivre que nous ressentons davantage la nécessité de participer à l’aventure collective du théâtre. Car on vient au théâtre comme par envie de méditer, de se rappeler à soi-même. Pour se sentir plus vivant.
Aujourd’hui, tout nous montre que nous avons besoin d’être une société, c’est-à-dire un groupe d’individus uni par un réseau de relations, de traditions et d’institutions. Il nous faut construire cela ensemble.
La charge symbolique de nos théâtres est si forte qu’ils sont à la fois créateurs de pensée, d’émotions communes, et vecteurs d’affirmation de soi. L’art inculque à l’homme le sens de son
unicité, lui permet d’appréhender sa différence – et ainsi métamorphose l’indéterminé en un « je » indépendant et libre. Et au théâtre, cette réalisation se vit collectivement.
Les théâtres sont ces endroits où les hommes parlent aux hommes… Où l’on peut traiter d’utopies et de cauchemars, de paradis perdus et d’horizons hors de portée.
N’avons-nous pas besoin d’une photographie qui soit le reflet de ce que l’on ne voit pas, de ce que l’on ne veut pas voir du monde ? Les théâtres tendent des miroirs à ce qui est susceptible de n’être pas reflété. Ils sont le lieu où l’inconscient peut s’exprimer.
Les théâtres sont les chambres noires qui révèlent l’humanité au-delà de la réalité du monde. La température des lumières, l’expression des acteurs, l’impression des spectateurs ne sont rien d’autre
que la mise au point - ici et maintenant - d’une humanité qui se cherche.
Je souhaite qu’à travers les spectacles de la saison nous puissions, ensemble, spectateurs et acteurs du TGP, nous donner les moyens de participer à la lutte pour un monde mieux compris. L’homme a besoin de comprendre, le théâtre est son arme joyeuse.