Diseurs, comédiens, bidouilleurs de sons, musiciens, acteurs-poètes, ensemble ils racontent l’histoire d’Un fils de notre temps, celle d’un paumé, un paumé qui s’engage. Ödön von Horváth publie ce roman en 1938, à la suite de son célèbre Jeunesse sans Dieu, alors qu’il est en exil, fuyant le régime hitlérien. Il s’agit du monologue intérieur d’un jeune homme au chômage – emporté par son époque – qui, pour survivre, devient soldat. Nourri d’espoirs déçus et de mauvaise pitance, il pose un regard froid sur un monde qui ne tourne plus rond. C’est à la fête foraine, royaume des illusions, qu’il retrouve un peu de son humanité.
Le récit est porté par la voix, la sensibilité et l’imaginaire de quatre comédiens. Tour à tour chœur ou orchestre – violon, trompette, claviers et guitare sont présents sur la scène –, le quatuor déploie dans une commune respiration la diversité des résonances personnelles que le propos suscite et, par là, en révèle l’universalité. Loin d’uniformiser les individualités, le groupe permet aussi l’intimité de la confession, le surgissement de visions singulières. Destiné à des espaces non théâtraux, le plateau est nu. Seuls quatre ventilateurs ponctuent le cadre d’une parole dont les comédiens peignent toutes les couleurs, oscillant entre incarnation et évocation. Reste alors à laisser l’image apparaître dans l’âme de l’assistance… Attendre ce moment d’équilibre par lequel l’acteur passe – comme l’étoile filante laisse une trace dans le ciel – lorsqu’il devient poète.