Abandonner décence, mesure, soumission à un minimalisme
encore en suspension dans l'air du temps.
Ne pas craindre de se laisser contaminer par les aînés
qui ont bercé nos lectures, saturé nos yeux d'images,
s'inspirant eux-mêmes de ceux qui en avaient parlé avant,
dans une incestueuse et pérenne filiation.
Ne jamais se demander comment encore parler d'amour, comment redonner
une opacité à des mots devenus transparents à force
d'avoir étés inlassablement écrits et prononcés.
Et puis, ne pas craindre d'être toujours au bord du mélo,
au bord du gouffre, au bord de jouir, aller aux confins du romantisme
sans se préoccuper de savoir s'il sera ou non dans l'air du temps.
Se souvenir qu'Adorer signifie rendre un culte à une divinité.
Baptiser la femme Chine et l'homme Rodez et placer ce dernier devant
la première, tel un mirage, une irrésistible épiphanie,
une colonne de chair où se dissoudra à jamais le regard
de cette femme hurlante, et à partir de ce moment précis,
travailler la matière insatiable de son désir comme on
travaillerait une glaise pénétrante et sombre.
Enfin, oublier remparts, rédemption, pénitences, salut
et guérison, et porter les personnages à leurs plus simples
et indicibles incandescences jusqu'à ce qu'ils en viennent -
au terme d'un tragique soliloque et d'un mutisme aride et éloquent
- à se statufier tous deux devant la déclaration de l'amour
et les regarder vivre et frémir et ne plus vivre, dans leurs
respectives solitudes, comme les icônes perpétuelles de
nos vies.
Jean-René Lemoine
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