"Je suis perdue !
perdue ici
Je ne
suis pas d'ici
Je ne suis pas née là" |
Golaud et Mélisande
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©Bellamy/1d-photo.org
Golaud et Yniold
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©Bellamy/1d-photo.org
mise en scène Alain
Ollivier
assistante à la mise en scène Clotilde Ramondou
scénographie Daniel
Jeanneteau assisté de Laure Deratte
lumière Dominique Bruguière assistée de
Pierre Gaillardot
costumes Laure Deratte
maquillages et coiffure
Sophie Niesseron
son Anita Praz
conseillers musicaux
Vincent Leterme, Alain Zaepffel |
construction du décor Ateliers du Théâtre
Gérard Philipe et Saïd Lahmar, Eric Morelon peintres
décoratrices Sabine Lamalle, Amanda Ponsa, Laurence Raphel,
Pascale Stih réalisation des costumes Martine Briand,
Christine Heurlin, Violaine Lambert, Brigitte Massey, Gwen Tillenon
habillage Sylvie Régnier
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avec
Arkël, roi d'Allemonde
Philippe Duclos
Geneviève, mère de Pelléas
et de Golaud
Nicole Dogué
Pelléas, petit-fils d'Arkël
Xavier Thiam
Golaud, petit-fils d'Arkël
Antoine Caubet
Mélisande
Florence Payros
Le petit Yniold, fils de Golaud Gabriel Pauly
en alternance avec
Mickaël Allouche
Un médecin, le portier
Hubertus Biermann
La vieille servante
Nathalie Kousnetzoff
Servantes
Catherine Corringer, Valérie Crunchant, Sylvie
Pascaud
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L'atmosphère de forêt mouillée qui émane de
la scénographie de Daniel Jeanneteau baignée par la lumière
savante de Dominique Bruguière, la pudeur frémissante des
interprètes qui se vouent à faire respirer chaque mot d'une
partition à l'économie rare, tout concourt, dans cette représentation,
à susciter un plaisir raffiné, que la critique, dans son
ensemble, a tenu à saluer. Il y a encore que Pelléas
et Mélisande constitue une prodigieuse histoire d'amour et
de mort, au même titre que Tristan et Yseult ou Roméo et
Juliette, imaginée il y a plus de cent ans par un jeune homme rêveur
qui, bien plus tard, s'intéressa à La Vie des abeilles.
Une date dans l'histoire du théâtre
L'année 1893, dans Paris, un jeune homme, Lugné-Poe
- il a 24 ans - est à la recherche d'une salle de répétition,
d'un peu d'argent aussi, et d'un théâtre. Il veut créer
Pelléas et Mélisande dont Maeterlinck lui a confié
le destin scénique. Il y parvient le 17 mai pour une seule représentation.
Quelques autres se donneront ensuite à Bruxelles en juin. Et c'est
une véritable révolution que fait le théâtre
et bien au-delà de la scène française.
"L'impression fut énorme" nous rapporte Lugné-Poe.
Et elle le fut, parce qu'après les vaines tentatives au Théâtre
d'Art de jouer Axel de Villiers de L'Isle-Adam, le poème dramatique
de Maurice Maeterlinck réalisait sur scène l'idéal
théâtral espéré par la génération
symboliste. Ce faisant, Maeterlinck et son metteur en scène délivraient
la scène des chaînes du réalisme social dans son ambition
la plus étroite, produire des " décalques photographiques
de la simple nature".
L'ambition de Maeterlinck était tout autre: "Il ne s'agit
pas d'exprimer le rationnel et le sentiment lucide qui sont compréhensibles
en des mots sûrs et clairs mais ce qui se trouve au-delà
de la raison et avant le sentiment, les débuts ternes et confus
d'une sensation, tous les phénomènes étranges qui
restent tapis sous le seuil de la conscience et ne sont ressentis que
comme un gémissement sourd qui sort du dernier abîme de la
nature, là où l'esprit ne pénètre pas
"
Sur scène, aujourd'hui, nous agirons librement avec le "gothique"
que nous ressentons comme trop circonstancié au contingent de l'époque,
pour ne nous attacher qu'à incarner l'esprit de l'uvre. Saisir
sa réalité poétique. Nous efforçant de réaliser
ce qu'écrit Gaston Bachelard, qui nous semble si bien définir
l'esprit de Pelléas et Mélisande : " Maeterlinck a
travaillé aux confins de la poésie et du silence, au minimum
de la voix, dans la sonorité des eaux dormantes."
Avec la musique de Debussy, Pelléas et Mélisande est entré
dans la mythologie. L'opéra ne doit pas nous faire oublier le poème
dramatique qui a été à l'origine du renouveau du
théâtre et de la création du Théâtre
de l'uvre, à qui nous devons tant de découvertes.
Alain Ollivier
Le Silence
La parole est du temps, le silence de l'éternité. Il
ne faut pas croire que la parole serve jamais aux communications véritables
entre les êtres. Les lèvres ou la langue peuvent représenter
l'âme de la même manière qu'un chiffre ou un numéro
d'ordre représente une peinture de Memlinck, par exemple, mais
dès que nous avons vraiment quelque chose à nous dire, nous
sommes obligés de nous taire ; et si, dans ces moments, nous résistons
aux ordres invisibles et pressants du silence, nous avons fait une perte
éternelle que les plus grands trésors de la sagesse humaine
ne pourront réparer, car nous avons perdu l'occasion d'écouter
une autre âme et de donner un instant d'existence à la nôtre
; et il y a bien des vies où de telles occasions ne se présentent
pas deux fois
Nous ne parlons qu'aux heures où nous ne vivons pas, dans les moments
où nous ne voulons pas apercevoir nos frères et où
nous nous sentons à une grande distance de la réalité.
Et dès que nous parlons, quelque chose nous prévient que
des portes divines se ferment quelque part. Aussi sommes-nous très
avares du silence, et les plus imprudents d'entre nous ne se taisent pas
avec le premier venu. L'instinct des vérités surhumaines
que nous possédons tous nous avertit qu'il est dangereux de se
taire avec quelqu'un que l'on désire ne pas connaître ou
que l'on n'aime point ; car les paroles passent entre les hommes, mais
le silence, s'il a eu un moment l'occasion d'être actif, ne s'efface
jamais, et la vie véritable, et la seule qui laisse quelque trace,
n'est faite que de silence. Souvenez-vous ici, dans ce silence auquel
il faut avoir recours encore, afin que lui-même s'explique par lui-même
; et s'il vous est donné de descendre un instant en votre âme
jusqu'aux profondeurs habitées par les anges, ce qu'avant tout
vous vous rappellerez d'un être aimé profondément,
ce n'est les paroles qu'il a dites, ou les gestes qu'il a faits, mais
les silences que vous avez vécus ensemble ; car c'est la qualité
de ces silences qui seule a révélé la qualité
de votre amour et de vos âmes.
Je ne m'approche ici que du silence actif, car il y a un silence passif
qui n'est que le reflet du sommeil, de la mort ou de l'inexistence. C'est
le silence qui dort ; et tandis qu'il sommeille, il est moins redoutable
encore que la parole ; mais une circonstance inattendue peut l'éveiller
soudain, et alors c'est son frère, le grand silence actif, qui
s'intronise. Soyez en garde. Deux âmes vont s'atteindre, les parois
vont céder, des digues vont se rompre, et la vie ordinaire va faire
place à une vie où tout devient très grave, où
tout est sans défense, où plus rien n'ose rire, où
plus rien n'obéit, où plus rien ne s'oublie
Et c'est
parce qu'aucun de nous n'ignore cette sombre puissance et ses jeux dangereux
que nous avons une peur si profonde du silence. Nous supportons à
la rigueur le silence isolé, notre propre silence : mais le silence
de plusieurs, le silence multiplié, et surtout le silence d'une
foule est un fardeau surnaturel dont les âmes les plus fortes redoutent
le poids inexplicable. Nous usons une grande partie de notre vie à
rechercher les lieux où le silence ne règne pas. Dès
que deux ou trois hommes se rencontrent, ils ne songent qu'à bannir
l'invisible ennemi, car combien d'amitiés ordinaires n'ont d'autres
fondements que la haine du silence ? Et si, malgré tous les efforts,
il réussit à se glisser entre des êtres assemblés,
ces êtres tourneront la tête avec inquiétude, du côté
solennel des choses que l'on n'aperçoit pas, et puis ils s'en iront
bientôt, cédant la place à l'inconnu, et ils s'éviteront
à l'avenir, parce qu'ils craignent que la lutte séculaire
ne devienne vaine une fois de plus, et que l'un d'eux ne soit de ceux,
peut-être, qui ouvrent en secret la porte à l'adversaire.
Maurice Maeterlinck
Le Trésor des humbles, Paris, Mercure de France, 1896
Production : Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis,
Centre dramatique national
Dominique Bruguière et Daniel Jeanneteau
ont obtenu, pour Pelléas et Mélisande, le prix des
meilleurs créateurs d'élément scénique (respectivement
lumière et scénographie), décerné par le syndicat
professionnel de la critique de théâtre, de musique et de
danse pour la saison 2003-2004.
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