"La Sonate des spectres apporte le sentiment d'un quelque
chose qui sans être sur le plan surnaturel, non humain, participe
d'une certaine réalité intérieure. C'est ce
qui fait son attrait. Elle ne manifeste rien que de connu, quoique
d'enfoui et de détourné. Le réel et l'irréel
s'y mêlent comme dans le cerveau d'un homme en train de s'endormir,
ou qui se réveille tout à coup s'étant trompé
de côté.
Tout ce qu'elle révèle, nous l'avons vécu,
rêvé, mais oublié."
C'est ce qu'écrivait Antonin Artaud en 1930, alors qu'il
envisageait de mettre en scène ce qui reste l'un des textes
de théâtre les plus étranges, les plus aventureux
du 20ème siècle. Peu montée, La Sonate a
profondément imprégné des parcours artistiques
aussi différents que ceux d'Ingmar Bergman, qui l'a mise
en scène pas moins de quatre fois au cours de sa longue
carrière, ou Sarah Kane qui s'en est inspirée pour
écrire la pièce Purifiés.
Notre projet voudrait s'établir dans la région intermédiaire
qui va de l'état de demi-sommeil, où les visions
les plus étranges, grotesques, les pressentiments, les
" imaginations " affluent et se mêlent, à
l'état opposé de conscience aiguë, où
connaissance et lucidité font se rejoindre l'éblouissement
et la noirceur.
La scénographie aura pour fonction d'articuler la réalité
matérielle, concrète, lourde même, du terrestre,
avec celle plus abstraite, diaphane, des visions : entre la grotte
et la machine, un appareil capable de capturer, comme une plaque
photographique sensible, les mouvements de l'âme les plus
ténus.
" Une forme intime, un petit sujet, mais creusé
à fond, peu de personnages, grandes perspectives, une imagination
libre, mais fondée sur l'observation, l'expérience,
l'étude consciencieuse. Simple, mais pas simpliste. "
C'est ainsi que Strindberg décrivait La Sonate des spectres.
De fait elle apparaît comme une fable, un mystère
moyenâgeux, une pièce à la fois mystique et
foraine, avec paraboles, allégories, double-fond et jeux
de miroirs, illusions et apparitions ; ses personnages n'ont ni
psychologie, ni caractère, mais délivrent une impression
concrète incontournable, ils sont des précipités,
au sens chimique du terme, une quintessence de l'humain.
Dans une espèce de désordre un peu catastrophique,
cette pièce de la fin de sa vie laisse entrevoir un jeu
entre les morts et les vivants, le passé, le présent
et le futur. Le spirituel y voisine avec le plus trivial. De brusques
changements de registre d'expression, des absurdités dans
le scénario, une dérive phobique de l'argument,
en font une sorte d'ectoplasme de tragi-comédie absolument
en-dehors des conventions, drôle et inquiétante,
jamais tout à fait étrangère, jamais vraiment
reconnaissable.
Marie-Christine Soma et Daniel
Jeanneteau
Revue
de presse
Coproduction
Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, Centre
dramatique national - La Part du Vent, Compagnie Daniel Jeanneteau
- CDDB, Théâtre de Lorient - Le Cargo, Maison de la
culture de Grenoble. Avec le soutien de la DRAC Ile-de-France. Conseil
de production Anne de
Amézaga
*Daniel Jeanneteau est metteur en scène associé
au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis.
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