Paroles gelées est une plongée dans l’oeuvre gigantesque de François Rabelais, principalement dans le Quart Livre, paru en 1552.
Humaniste fervent, médecin féru de grec et de latin, partisan du retour à la nature et d’un savoir encyclopédique, l’homme de lettres incarne à lui seul la Renaissance, tout en conservant le sens de la farce et le goût de la ripaille chers au Moyen-Âge.
Panurge, compagnon du géant Pantagruel, s’interroge lors d’un banquet sur la pertinence de prendre femme. Dans l’ivresse collective, l’assemblée largue les amarres à la recherche de la Dive Bouteille, oracle réputé. Épopée maritime, quête philosophique, le voyage est aussi désastreux que sublime.
La langue explosive, ouverte, multicolore, éclaire cette critique d’une société alors en plein bouleversement qui n’est pas sans ressemblances avec la nôtre. Jean Bellorini l’explique ainsi : « Rabelais parle de nous. De notre temps. Ce temps où, comme au passage du Moyen-Âge vers la Renaissance, les idéologies dominantes s’effondrent.
On n’en finirait pas de relever tout ce qui, dans cette oeuvre miroir, renvoie à notre époque : lutte pour la libération des mots et des corps, recherche d’une pédagogie idéale, attaques contre les fanatismes religieux, dénonciation des guerres de conquête… Ce temps où l’homme sent concrètement le besoin de se réinventer. »
Sur le plateau, treize comédiens « ouvriers de la scène » – tous musiciens et chanteurs – réchauffent contre eux les « paroles gelées » de ce récit lointain. Bottes de caoutchouc aux pieds, dans une grande pataugeoire originelle, ils barbotent, essuient des grains, évitent la noyade, accostent des îles peuplées de monstres. Intrépides et joyeux explorateurs, ils dévorent le monde, avides de vérité.