En tournée pendant cinq ans après sa création en 2010 au Théâtre du Soleil, Tempête sous un crâne s’installe pour un mois au TGP. Jean Bellorini et sa troupe retrouvent les mots d’Hugo pour en faire réentendre le souffle bien vivant. Si Camille de La Guillonnière et le metteur en scène ont opéré des coupes au sein de la grande œuvre, ils n’ont procédé à aucune variation dans le texte ni dans la progression des actions. C’est dire combien la poésie de Victor Hugo est toujours vouée à prendre corps. Ce spectacle met en scène des hommes d’aujourd’hui. La volonté qu’il faut pour se réinventer, la force pour choisir une voie ou le courage pour tendre une main quand des portes se ferment ne tiennent pas à une époque. La complexité humaine, dépeinte dans Les Misérables avec tant de nuances, réclame qu’on s’asseye un instant, ensemble, pour la regarder.
La littérature, par l’imagination et l’ouverture qu’elle procure, secourt et renforce tous ceux qui la rencontrent. Aussi, bien que d’abord un peu perdus dans un lieu imprécis où ils semblent en attente, les personnages narrateurs qui ouvrent Tempête sous un crâne sont vite investis par la joie et la vitalité que donne le langage. Dans cette ferveur, les deux comédiens et les deux musiciens de la première époque sont rejoints, dans la seconde, par trois autres acteurs. Conteurs, chanteurs, ils scandent le lyrisme de la fresque d’Hugo ou incarnent les figures de ses nombreux héros. Au gré du récit qu’ils portent et qui les porte, ils amoncèlent les tranches de vie de petites gens comme on dresse une barricade pour se hisser jusqu’à la grande Histoire.