Pour Charles, il n’y a qu’un seul Charles : le grand Charles. Chaque vendredi à l’Attitude Club d’Avallon, le technico-commercial en machines agricoles prend place sous la boule à facettes du karaoké et interprète les chansons de son idole. Ce soir, c’est l’anniversaire de sa femme, Maryse. Elle est là, dans la salle, et si elle concède un clin d’œil en réponse à la dédicace qu’il vient de lui adresser, elle va bientôt laisser Charles seul avec son Aznavour – sans lequel le tocsin de l’église de Lormes aurait déjà sonné pour l’un des deux époux... Eternelle doublure plusieurs fois doublée, le mari délaissé raconte sa détermination à aimer Maryse en dépit de ses infidélités et à écrire à Charles en dépit de son silence.
Paré de masques et d’une veste en lamé, Vincent Garanger porte les voix multiples qui tracent cette vie manquée, de concours de Moiss’Batt’ Cross à la Fête de l’agriculture en appels au secours au marabout Golo. Attaché aux paroles du grand Charles plus qu’au grand Charles lui-même, Charles – qui ne croit plus en Dieu depuis qu’il a raté un brochet en 1997 – voudrait trouver dans ses mots de quoi dissiper le flou de l’existence et fixer le hasard comme on pose une belle prise en trophée au-dessus de la cheminée. Hommage aux grands airs d’Aznavour et à la musique populaire qui met des paillettes dans les soirées de province, le texte de Fabrice Melquiot dresse le portrait d’un « forcené du cœur », de ceux qui parlent clair, qui disent tout, qui déclarent, et qui promettent d’aimer par-delà les promesses.